cette photo a été prise le 6 juillet à 10h54, vous, vous êtes passés par là, à 11h02, en un instantané, en vers, prose, photo*, dessin*, peinture*, montrez-nous précisément ce que vous, vous avez vu et peut-être entendu … (vous n'êtes nullement obligés de prendre cette photo au premier degré.)
(* avec une légende bien sûr, n'oubliez pas que nous sommes, avant tout, des croqueurs de
mots)
défi proposé par : Détente en Poésie
La terre a tremblé. Je l'ai senti. J'ai tenu un instant l'équilibre et puis sans plus pouvoir résister au vertige je suis tombée dans l'herbe. Là je l'ai senti encore plus fort : la terre bougeait dans un grondement sourd.
Et puis le temps s'est figé tout d'un coup.
J'ai dû retenir ma respiration aussi, et c'est le souffle court que je me relève, l'instant d'après.
Des brins d'herbe retombent lentement dans le pré, dans le silence étrange. Effrayant.
Qu'est-ce qui les a soulevés ?
Je connais ce plateau comme ma poche et tout ce tremblement ne me dit rien de bon.
Le ciel parait serein. Le soleil impassible fait paître dans la vallée son petit troupeau de nuages blancs. Il n'y a pas de vent.
Je jette un oeil inquiet en direction de la carrière. On ne voit pas grand chose ! Dans la montagne rien ne bouge.
Mais quand-même, je vais devoir y aller... pas prudent de rester ici !
Je ramasse mon bâton. Ce n'est pas qu'il me serve beaucoup pour marcher ni même pour ramasser des champignons, en cette saison ! Mais c'est grand-père qui l'a taillé, avec son couteau, dans une branche d'acacia qu'il avait ramenée pour moi. Sans un mot, il l'a poli avec soin pendant un très long moment puis il a gravé mon prénom dessus et il me l'a donné : «—Tiens ! »
Parlait pas beaucoup, l'grandpé... J'aime son poc poc poc sur la route, alors je prends toujours mon bâton en balade, c'est tout !
Mais pour l'heure ça ne poc poc pas. Je le serre, mon bâton et traverse le pré.
Ça doit faire cinq bonnes minutes maintenant que la terre a bougé.
Tout semble aller , le cri des choucas résonne dans le ciel. Mais... il reste quelque chose qui ne va pas... un truc qui me chiffonne... un truc pas normal !
J'arrive au bout du pré. Passe sous les barbelés. Le père André va encore me sonner les cloches s'il me voit ! Saute le fossé. Commence à courir non je cours pas , mais disons quand même que je monte d'un pas pressé vers... Nom de Zeus ! Les cloches !!!
C'est ça qui colle pas : les cloches !
On n'entend pas sonner les vaches !
Et pourtant d'habitude ça y va : et ding et clang et breling et clong ! C'est des vraies musiciennes les vaches du père André !
Elles tiennent pas en place et quand elles bougent pas, elles secouent la tête en cadence ( ou pas ). Ça te fait toujours une de ces symphonies !
Mais là... que pouic ! Le cri des choucas, le fossé qui ruisselle et c'est tout. Ça fout limite les ch'tons ! Où sont passées les vaches ?
Elles se sont pas engouffrées dans la faille spatio-temporelle qui s'est ouverte pendant le tremblement de terre, quand-même ?
Oui je sais, peut-être que je lis trop de bédés, mais là dans ce champ d'habitude ya un orchestre symphonique de vingt vaches alors qu'aujourd'hui le 6 juillet à 11heures ( à une queue de vache près ) dame, yen a point ! Ndidiou !
Ça me fait maintenant deux mystères à élucider... sauf si le tremblement de terre et la disparition des vaches n'en font qu'un ... Voilà qui serait pratique ! Bin oui, quoi, je suis en vacances, moi !
Mon flair de fine limière me sussure que j'ai déjà trouvé la clef de l'énigme... et voilà le père André qui sort de chez lui avec sa canne et son chien. J'm'en vais te le questionner adroitement, moi !!
—Bonjour André, vous allez bien ?
—Bonjoul ma petite Alba ! Alols, ça va comme tu veux les vacances ?
J'ai beau avoir pris de l'âge moi aussi tellement que j'pourrais même être grand-mère maintenant ... pour lui je suis toujours la ptite Alba,.. mais bon !
—Oh moi ça va, mais dites-donc André, vous avez senti la secousse tout à l'heure ?
—O vindieu si je l'ai senti ! O ndidiou ça m'a fait flageoller les guibolles ! Et toi aussi tu l'as sentie ma ptite Alba ?
— Oui, et je montais voir si c'était pas encore la carrière quand je me suis rendu compte que je n'entendais plus les cloches de vos vaches ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Elles sont passées où
vos vaches, André ?
—Hein ? Kesstudi ?
Oh p*tain, c'est vrai, il est sourd comme un pot ! Mais j'ai de la voix quand je veux.
—ELLES SONT OU VOS VACHES !
—Oh ! mais c'est lien ! C'est gentil mais je vais le faile tout seul, j'ai l'habitude va, c'est point la plemièle fois !
Grrrrr.
Y récalcitre !!!
Y fait de l'obstruction à mon enquête !!!
Y m'aura pas comme ça.
—NON, JE DIS: ELLES SONT PASSÉES OÙ VOS VACHES ?
Et en même temps je remue la main droite par derrière tout en imitant une cloche avec ma main gauche et en dodelinant de la tête ( et je croise les droigts de pieds pour qu'il n'y ait pas un touriste assez dingo pour aller prendre des photos...) dans une imitation très réussie de la vache de base du père André.
Lueur de compréhension dans ses yeux.
—Mes vaches ?
Ah bah, aujould'hui l'avait ma ptite fille de la ville qu'était venue poul manger le midi, et pis comme elle tlouvait que mes vaches elles faisaient tlop d' bluit pou' l' bébé, alols tu complends , alols j'leul ai enlevé tout' leul cloches !
Lueur de compréhension dans les miens: Bon sang, mais c'est bien sûr !!!
—Alors vos vaches quand elles sont plus entendu leur ding Diling clong clang qui les accompagne depuis la première goutte de lait qu'elles ont têté de leur mère, elles sont dev'nues un ptit peu fofolles ?
— Ah nndidiou ma ptite Alba ! Tu les aulais vues coulil comme des folles dans l'plé hi hi hi , elles ont fait tlembler la telle au moins jusqu'à Bielle !!! hi hi hi
D'ailleurs ( je vous traduis maintenant, pour plus de facilité en plus on est presque au bout mais si vous pouvez n'oubliez pas de prononcer les r comme des l silvouplé ) maintenant y faut que j'aille les chercher pasque elles ont filé sur le plateau comme si elles avaient le diable à leurs trousses !
J'pense bien, pauv' bêtes ! Elles ont dû penser qu'elles étaient subitement devenues sourdes ou paralysées. Ou les deux.
Et accompagnant son discours de grands clins.
( D'œil, les clins, c'est toujours d'œil NDLT)
—pis comme ça j'peux m'échapper 5 minutes d'avec les deux commères moi aussi hi hi hi j'men vas prendre l'apéro avec mon copain le Michel !
Enfin, si ça le fait rire... ya pas de quoi fouetter une mouche !
En tout cas, voilà !!!
Encore une affaire rondement bien résolue, je trouve.
Je devrais m'installer ici toute l'année et monter une agence de détective privé, qu'est-ce que vous en pensez ?
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